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Même s'il n'a pas persévéré dans la comédie, cette expérience a facilité son contact au public, tout en forgeant sa certitude que tout lui serait possible. Même le reggae, pour lequel il se passionne au même moment en fréquentant les sound systems parisiens. C'est la grande époque du ragga parisien des Daddy Nuttea, Saï Saï, Raggasonic, Tonton David, Azrock et bien d'autres. Alors que ses potes versent plutôt dans le rap, Taïro - son pseudo de chanteur / toasteur - adule Sizzla dont il adopte le turban, signe de ralliement symbolique plutôt que religieux.

 

Armé des lyrics militants griffonnés dans sa chambre, Taïro se lance sur la scène de l'Espace Massena en s'inspirant de ses modèles jamaïcains, peu de temps après avoir rejoint le Youthmen 10 (pour le 10e arrondissement où il habite) avec des copains de collège qui toastent sur des faces B.

 

Le destin, toujours lui, s'en mêlera alors que le groupe vient de se séparer. Toujours actif dans les sound systems parisiens, Taïro voit sa carrière décoller quand une maquette sept-titres, enregistrée en 2000 dans le studio des Sages Poètes de la Rue, arrive jusqu'aux oreilles d'Akhenaton. Le rappeur d'IAM décide alors d'inclure Taïro au groupe One Shot (Nuttea, Disiz, Faf Larage, Jalane et Vasquez Lusi), chargé d'enregistrer la BO du film Taxi 2, laquelle contiendra un solo de Taïro « L'homme n'est qu'un apprenti ».

 

Enorme succès. Dès lors, multipliant les concerts et featurings (Nuttea, Assassin, Disiz, +2coeur), Taïro, 20 ans, devient l'un des fers de lance du reggae français. Mais il faudra attendre sept longues années avant qu'il sorte son premier disque, Street Tape. Le temps de bien faire les choses : alors que le rap français a depuis longtemps trouvé un ton qui l'émancipe du modèle américain, au point de trôner aujourd'hui en tête des charts, Taïro rêve que le reggae trace lui aussi sa voie indépendamment des icônes jamaïcaines. Une quête qui passe principalement par la langue, indispensable véhicule des messages que le chanteur souhaite exprimer. Heureusement, l'objectif est en voie d'être atteint : bien qu'il soit snobé par tous les grands médias, les artistes de reggae français mobilisent aujourd'hui un large public.

« Est-ce que vous aimez le reggae français ? » Cette question que lance Taïro, lors de ses concerts, reçoit toujours une réponse enthousiaste du public. Il enfonce le clou aujourd'hui, avec son septième disque solo dont le titre sonne comme un manifeste : Reggae français. Tout sauf anodin chez un artiste dont la double culture et les convictions humanistes sont à l'opposé des replis identitaires. Taïro a trouvé, dans le reggae, le moyen de poursuivre le combat de son père. Président de l'Union nationale des étudiants du Maroc lors des manifestations de 1968, ses convictions révolutionnaires lui ont valu quatre années d'incarcération. Parti en France avec de faux papiers, et contraint à l'exil pendant dix-sept ans, il y a rejoint sa compagne française, expulsée du pays avant lui. C'était en 1977.

 

Taïro est né un an plus tard, sous son vrai prénom Ismaël. Il grandira avec sa mère mais sous l'influence égale de ses deux parents : son père comme un héros fantasmé et sa mère pour le ramener à la réalité. Avec le premier, il se souvient des rassemblements des camarades communistes et des fêtes de l'Humanité. De sa mère professeure de sociologie, il a hérité le goût pour la langue française et la révélation de sa future vocation à l'écoute de l'un de ses disques : Kaya de Bob Marley. En épousant le reggae, Taïro continue donc de creuser le sillon familial : les luttes sont les mêmes, seules les armes sont différentes. Pourtant, le destin lui joua des tours, et des détours, par le cinéma notamment : Ismaël avait 13 ans quand sa bouille s'afficha sur les abribus parisiens, à la faveur de son premier rôle dans Le Jeune Werther du réalisateur Jacques Doillon.Pour preuve,

Taïro a donné 250 concerts devant 150 000 spectateurs ces trois dernières années, tandis que ses titres totalisent près de 40 millions de streams sur les plateformes légales. Un travail de fond, mené au long d'une poignée d'albums, qui trouve aujourd'hui tout son sens. En 2013, Taïro avait présenté Ainsi soit-il sur la scène de l'Olympia, avant de partir en tournée pendant deux ans avec son fidèle Family Band. C'est cette famille qu'il a souhaité rassembler sur Reggae français, co-composé avec ses musiciens. Enregistré au Studio Py (Maison-Alfort) et au Wise Studio (Ris-Orangis), sous la férule de l'ingé-son du Family Band, Fabrice Boyer, l'album a été mixé par James « Bonzai » Caruso sur le CV duquel figurent les noms de Stephen et Damian Marley, Alborosie, Madonna et The Notorious B.I.G.

 

Malgré son titre-manifeste, Reggae français ne prétend pas détenir la vérité. Seul le public décidera si Taïro est sur la bonne voie. Mais si l'artiste est sans prétentions, il n'est pas sans certitudes. Notamment quand il martèle que Reggae français n'est pas identitaire, mais bien l'inverse. « La France ne va pas bien mais c'est moi qu'ils veulent soigner », assène-t-il ainsi sur « Jet Lag ». Evoquant un pays où l'identité est devenue un problème sous le double effet des politiques boutefeux et du colonialisme économique, il ne veut pas abandonner la parole aux extrêmes. Sans agiter de drapeau, ni fier ni honteux, dans une relation apaisée avec sa nationalité et sa double culture, il plaide le respect et la réconciliation.

 

A condition que l'on soit prêt à « Changer », titre de l'un des temps forts de l'album, où Taïro questionne nos responsabilités individuelles : « Qui pourra nier que le danger était là / Pour toute la grande famille humaine. » Tout aussi engagé, « Etranger » dénonce les discriminations dont souffrent aujourd'hui les migrants comme les enfants d'immigrés. Des thèmes brûlants, dans un français précis, sur des textes pour la plupart co-écrits avec des auteurs de talent.

Le chanteur rappelle que le reggae restera une musique de combat. Mais Taïro sait aussi exalter le sentiment amoureux sans fausse pudeur, notamment sur « Rdv » que soutient une terrible ligne de basse, ou sur « Champion feat. Treesha ». Il n'oublie pas, enfin, de raconter les bonheurs de son parcours (« Bon vieux temps »), de distiller des conseils de grand frère (« La vie c'est dur ») ou de révéler une sensibilité de poète (« Dans les étoiles »). Toutes ces choses qui font de Reggae français un album chargé de vibrations positives. Ismaël avait 16 ans quand, en ouvrant un dictionnaire franco-anglais, il s'est choisi comme pseudo Taïro : l'apprenti. Se définir comme un apprenti est un terme qui laisse des perspectives de créativité et de perfectibilité infinies.Mais Taïro possède désormais, un savoir dont Reggae français est l'aboutissement.

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